Si un jour le peuple haïtien devait se
présenter devant le tribunal de l’histoire, il n’aurait que sa culture et son
art pour se défendre. Depuis la fondation de la République d’Haïti, l’art a
toujours su assumer un rôle primordial dans la vie et dans la lutte de ce
peuple. Cet art cherche le plus souvent à exprimer ce que les théoriciens du
mouvement indigéniste appellent « l’âme du pays » et il s’est rarement cantonné
dans la pure recherche d’une beauté idéale. Car, si pour Normil Sylvain, l’art
doit avoir pour vocation de dire le pays, Duraciné Vaval va, lui, encore plus
loin en affirmant que nous ne pouvons avoir qu’un art d’action. Autrement dit,
l’art doit non seulement participer à faire connaître positivement le pays,
mais encore à unir les Haïtiens entre eux. L’art haïtien, quelle que soit sa
forme d’expression, se fait plutôt récit, voire anecdote, car il n’a jamais
voulu être autre chose qu’un dialogue, une communication où l’artiste cherche
constamment à être un écho de sa communauté. Il arrive même qu’il en assume les
contradictions. C’est peut-être en ce sens qu’il faudrait comprendre la
conviction du romancier Lyonel Trouillot, quand il affirme qu’il porte son pays
comme la langue porte l’oxymore. Tout ceci permet de comprendre également
pourquoi l’art en Haïti, notamment en littérature, a mis du temps à être un art
individuel où l’artiste n’hésite pas à exposer sa vie intime. Expression de la
société, telle est l’une des vocations de l’art haïtien.
Pendant longtemps, la plupart des
tendances picturales ont privilégié le figuratif. Les thèmes étaient plutôt des
sujets historiques ou des scènes de la vie quotidienne. Il s’agissait
essentiellement d’une peinture à la troisième personne. Les choses ont depuis
évolué et les peintres n’hésitent pas à nous livrer des œuvres plus
personnelles, parfois même intimistes. Contrairement à ce que l’on a habitude
de lire, la peinture haïtienne n’est pas une, elle est traversée par des
courants et des individualités qui, aussi intéressants qu’ils puissent être, ne
parviennent jamais à en épuiser toutes les possibilités.
Lorsqu’on parle de peinture haïtienne,
c’est souvent dans le but de déterminer un courant représentatif de
l’authenticité esthétique haïtienne. Ainsi, pour André Breton, toute la
peinture haïtienne s’explique par l’âme africaine qui habite les peintres,
tandis que pour André Malraux, la peinture haïtienne se limite à deux courants,
la peinture naïve et celle du vodou. Ces conceptions ont eu un impact décisif
sur la réception internationale, voire nationale de la peinture haïtienne. Le
public a mis du temps pour reconnaître et apprécier d’autres aspects de cet
art, mais grâce à cette conception unitaire et à l’attraction touristique dont
Haïti faisait l’objet, la peinture dite naïve a connu un succès commercial
extraordinaire. Ainsi, faire de la peinture était, dans les années 1950 à 1970,
l’un des plus sûrs moyens de mobilité sociale. Il a fallu la publication de
l’ouvrage de Michel Philippe Lerebours en 1989, Haïti et ses peintres.
Souffrances et espoirs d’un peuple pour qu’émerge une pensée pluraliste de la
peinture haïtienne. (Source : A. Calmont, Haïti entre permanences et ruptures,
Ibis rouge éd.)
Source: https://www.haitiinter.com/la-peinture-haitienne-un-art-majeur/
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