Élide a 27 ans. Elle habite à Cité 9, une localité de Carrefour-feuilles. Cette jeune fille de petite taille est très préoccupée. Alors qu’elle approche la trentaine, elle est encore loin d’avoir atteint une taille « normale ». Sa famille lui avait conseillé d’aller voir un médecin feuille pour lui préparer un remède lié à son affection. « Un lavaj, c’est ce qu’il te faut. Ton sang est probablement sale », lui a balancé sa tante Thérèse. Ainsi, Élide s’est rendu à Léogane chez Grann Da, une veille de la place qui, depuis son jeune âge, a la maîtrise des combinaisons médicinales à base de plantes. Grann Da lui a administré une dose de l’une de ses préparations. « Après avoir tout bu, j’ai tressailli », rapporte Élide. « Grann Da a fait un massage au niveau de mon abdomen, continue la jeune fille. Puis elle m’a demandé de m’asseoir sur un pot de chambre. Je n’ai pas tardé à tout vider ». Les résultats peinent encore à apparaître, mais « je dois me rendre encore là-bas pour une deuxième dose » dit-elle.
Des ingrédients locaux
Etzer Jean Louis est un médecin-feuille. Les préparations médicinales à
base de plantes n’ont aucun secret pour lui. Selon ce dernier, les recettes
comme « lòk », « medsin », « lavaj » ou « bòk » ne sont pas les mêmes
suivant les besoins des patients. Il y a évidemment différents moyens de les
préparer. « Ces remèdes sont respectivement appliqués à des gens
souffrant de constipation ; à ceux ayant des problèmes de circulation sanguine
(responsables des tâches ou des lésions sur la peau). D’autres, notamment les
femmes accouchées, nécessitent de tels soins si elles ont attrapé un coup de
froid », fait savoir Etzer Jean Louis.Il n’y a pas de
contre-indication, soutient Jean Louis. Bébés, enfants et adultes peuvent en
prendre. L’effet immédiat de ces remèdes traditionnels consiste en une diarrhée
qui dure souvent plusieurs jours d’affilée. La diarrhée draine sur son passage
tout ce qu’elle trouve au niveau de l’intestin de l’individu. Selon Etzer Jean
Louis, la préparation appelée « medsin » est strictement réservée aux
enfants. Les adultes, quant à eux, ont leur propre dose de « lòk ».
Les remèdes sont variés et leur composition change suivant les habilités et
l’expérience du médecin-feuille.
Selon Frenel, également médecin-feuille, l’ensemble des éléments dont il a
besoin pour administrer un « medsin » à un adulte se résume à une noix
de coco sèche, de l’assorossi et du sucre. Quant à Etzer, il lui faut une tasse
de café sans sucre, un peu d’huile de palma-christi (maskriti), une
muscade et un morceau d’ail violet pour préparer sa dose.
L’avis d’un médecin spécialiste
L’absence d’infrastructures sanitaires dans le pays pousse une majorité
imposante de la population à se confier à la médecine traditionnelle. Selon
Raphaël Allan, chirurgien général à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti
(HUEH), le « lavaj » que propose ces médecins feuilles a ses effets bénéfiques.
« Lorsque certaines personnes font face à des problèmes de constipation
chronique, les ’lòk’ sont nécessaires », dit-il. Il est d’avis que la
diarrhée provoquée par ces remèdes peut chasser la quantité d’excrétion qui
bloque la paroi de l’intestin pour stimuler son bon fonctionnement. « Fort
souvent, la même recette est administrée à plusieurs personnes présentant le
même symptôme. Pourtant, un même symptôme peut être provoqué par une cause
différente d’un patient à un autre », confie Raphaël Allan. Il recommande
aux médecins-feuilles de pratiquer un dosage contrôlé pour éviter les
complications.
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