La littérature haïtienne et la vie politique ont toujours
été fortement imbriquées, à tous les stades de l'histoire d'Haïti. Les
intellectuels haïtiens se sont tournés, successivement ou simultanément vers la
France, l'Angleterre, l'Amérique, et puisent aux sources des traditions
africaines. Dans le même temps, l'histoire d'Haïti a toujours été un matériau
riche d'inspiration pour la création littéraire, avec ses héros, ses
soulèvements, ses cruautés et ses rites.
Au xviiie siècle, les colons faisaient éditer en France
des œuvres descriptives ou politiques (Moreau de Saint-Méry). C'est
véritablement à l'indépendance que naît la littérature haïtienne.
En 1804, Fligneau fait jouer sa pièce L'Haïtien expatrié.
Mais les classes dirigeantes et les élites intellectuelles, au sein de l'État
haïtien émergent, restent très imprégnées de la culture française. Sur le fond,
la littérature développe une veine patriotique qui retrace les hauts faits de
la convulsive accession à l'indépendance. Sur la forme, elle épouse, au fil du
xixe siècle, les courants littéraires successifs qui viennent de France :
classicisme, romantisme, Parnasse, symbolisme (jusqu'au surréalisme le siècle
suivant). On peut retenir de cette période Antoine Dupré (1782-1816), Juste
Chanlatte (1766-1828), François Romain Lhérisson (1798-1859) et Jules Solime
Milscent (1778-1842), qui fonde en 1817 la revue L'Abeille haïtienne.
En cette période d'intense effervescence littéraire, des
journaux comme Le Républicain puis L'Union ouvrent leurs pages aux premiers
romantiques. L'Observateur, créé en 1819, publie de la poésie galante. C'est en
effet la poésie qui va donner ses lettres de noblesse à la littérature
haïtienne au cours du xixe siècle. À partir de 1836 se forme le groupe du
Cénacle, avec les poètes romantiques Ignace Nau (1808-1845), Coriolan Ardouin
(1812-1838). Plus tard Oswald Durand (1840-1906), Massillon Coicou (1867-1908)
se réclameront de cette mouvance.
La production théâtrale est également riche et
importante, parallèle à l'éclosion du mélodrame en France. Tous les genres sont
représentés : drame en prose, tragédie, comédie et les œuvres reflètent
l'actualité et l'évolution des mœurs.
Le XIXe siècle se clôt sur une littérature imprégnée du
prestige de la langue française et presque exclusivement tournée vers Paris. Ne
touchant que la minorité de francophones alphabétisés, elle ignore le quotidien
social, malgré une dimension patriotique très forte.
Le siècle s'ouvre avec la création de la revue La Ronde
par Pétion Gérome en 1895. La référence reste la France pour les poètes de
cette école intimiste et délicate (Etzer Vilaire, Georges Sylvain). Une veine
qui perdurera au cours de la première partie du xxe siècle, avec des poètes
comme Dantès Bellegarde ou Ida Faubert.
L'occupation américaine, à partir de 1915, est un
électrochoc. La « génération de la gifle » crée successivement des revues
littéraires militantes : La Revue de la ligue de la jeunesse haïtienne (1916),
La Nouvelle Ronde (1925), et surtout La Revue indigène (1927). L'inspiration
est combattante dans un pays en proie à une instabilité politique chronique et
exprime le mal de vivre d'une génération aspirant à une vie meilleure. Le
mouvement indigéniste, par la voix de son initiateur Jean Price-Mars invite les
écrivains « à cesser d'être pasticheurs pour devenir des créateurs » (Ainsi
parla l'Oncle, 1928), en clair à puiser aux racines africaines de l'homme
d'Haïti. La résistance trouve alors son expression dans la culture orale issue
de l'esclavage, les contes, traditions et légendes.
Dans le même temps, le réalisme social investit la
littérature, qui devient un terrain d'engagement et de défense du peuple, avec
Jacques Roumain (Gouverneurs de la rosée, 1944), Marie-Thérèse Colimon Hall
(Les Fils de misère) ou René Depestre. Le roman met alors en scène les couleurs
sombres de la vie des paysans. Stephen Alexis, René Depestre et Gérald
Bloncourt fondent en 1945 la revue La Ruche.
« La littérature haïtienne est « au bouche à bouche avec
l'histoire » »
René Depestre
En 1946, André Breton est chargé par le directeur des
Affaires culturelles à Paris d'établir des relations avec les intellectuels
haïtiens.
Louis-Philippe Dalembert.
En pleine grève insurrectionnelle menée par les étudiants
contre le gouvernement Lescot, ses discours trouvent un écho auprès des
insurgés, emmenés en particulier par René Depestre. Toutefois l'influence
surréaliste restera mineure, quoique réelle, sur la littérature haïtienne. Elle
est par exemple ouvertement revendiquée par Clément Magloire-Saint-Aude, collaborateur
des Griots.
Beaucoup plus fécond sera le courant du réalisme
merveilleux de René Depestre ou Jacques Stephen Alexis dans les années 1950. Le
site web « Haïti chérie » définit le réalisme merveilleux, expression inventée
par le Cubain Alejo Carpentier, comme « l'alliance baroque du mythe et du
concret, goût des images violentes et d'une écriture virtuose, tropicale ». Les
contes sont également un aspect important de la littérature haïtienne et
l'écrivaine Mimi Barthélémy est une des conteuses populaires du xxe siècle. La
littérature haïtienne contemporaine fait bien partie de la mouvance culturelle
latino-américaine. Dans la jeune génération, l'écrivain Louis-Philippe
Dalembert, entre autres, est l'auteur d'une thèse de doctorat en littérature
comparée sur La représentation de l'Autre dans l'œuvre romanesque d'Alejo
Carpentier.
Source : Wikipedia
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